Parmi les billets émis par la Banque de France pour la Métropole, le 5000 francs Empire français reste le seul ayant pour principale thématique l’empire colonial.

Source : Numiscollection

 Les premières coupures sont imprimées à partir du 5 mars 1942, mais le billet n’entre en circulation que le 4 juin 1945. A cette date, un mois après la capitulation de l’Allemagne nazie et après cinq années d’occupation militaire, la France est exsangue. La guerre et l’occupation ont fortement impacté les finances du pays. Le franc connait une situation proche du chaos et le besoin de coupures à grandes valeurs faciales se fait pressant. Dans ce contexte, la Banque de France décide de prendre une mesure de grande ampleur : démonétiser toutes les coupures supérieures ou égales à 50 francs. L’objectif est de neutraliser les billets emportés par les Allemands, mais aussi de recenser les fortunes. En effet, à l’approche de la défaite militaire, la Wehrmacht basée en France décide de prendre la fuite vers l’Allemagne en emportant les coupures de réserve de la Banque de France parmi lesquelles la totalité des 5000 francs Empire français. Cependant, les billets ne franchissent jamais le Rhin car, pour une raison floue, les Allemands décident de les abandonner en Lorraine. S’il en avait été autrement, il est fort probable que le 5000 francs Empire français n’aurait jamais été émis.

Les Français disposent de douze jours – parfois vingt en fonction de considérations locales – pour échanger leurs billets. La Banque de France n’a d’autres solutions que de sortir des coffres ses coupures de réserve, dont le 5000 francs. Au premier abord, les Français sont assez surpris par l’originalité du sujet, mais moins par les messages de la coupure.  

Comme indiqué précédemment, le 5000 francs Empire français trouve son origine au début de la Seconde Guerre mondiale. Après la défaite éclair de l’armée française en juin 1940, puis l’occupation militaire allemande et le régime de Vichy, au sortir de la guerre, la fierté nationale et la grandeur de l’hexagone sont en berne. En juin 1945, outre la nécessité économique de mettre en circulation cette coupure, les Français peuvent voir et sentir de nouveau, au quotidien, la puissance de leur empire colonial, présent sur tous les continents du monde. En effet, au cours de ces six années de guerre, ils ont progressivement appréhendé la perte de leurs colonies. L’objectif est de rappeler l’histoire de France, ses prédispositions civilisatrices, ses grandes richesses et ses ressources. Ce billet doit unir la Nation à travers un sentiment et une vision commune.

A partir de 1946, la dénomination du billet change. Le 5000 francs Empire français devient le 5000 francs Union française suite à la Constitution de la IVème République instaurée en 1946. Un an et demi plus tard, le 29 janvier 1948 marque la fin du cours légal du 5000 francs. Le lendemain, il est définitivement retiré. Cette décision s’explique par la dévaluation du franc de 80% décidée une semaine plus tôt. Cette annonce provoque une ruée des Français aux guichets de la Banque de France pour échanger leurs coupures. La majorité est détruite, mais une partie subsiste, traverse les années et termine, parfois, dans des collections privées.

Filigranes du 5000 francs Empire français
Source : Numiscollection

Aujourd’hui, le 5000 francs Empire français reste l’un des billets de la Banque de France qui plait le plus aux collectionneurs. Les couleurs, la gravure en taille-douce, mais aussi son contexte historique de mise en circulation en sont vraisemblablement pour beaucoup. Au total, ce sont 3960 alphabets et 61 dates qui ont été recensés ce qui en fait un billet facilement trouvable. Cependant, certaines dates et alphabets – comme pour tous les billets français – sont plus prisés car quantitativement moins importantes que d’autres lors des derniers recensements. C’est le cas pour la dernière date d’émission connue, le 17 juillet 1947 avec une cotation de 1200 euros pour un billet TTB alors que pour cet état avec une date différente, la cote varie, en moyenne, aux alentours de la centaine d’euros.

Bien que ce billet reste financièrement abordable en petit état (une moyenne d’environ 40 euros pour un état TB), il en est tout autre pour les très beaux états. En effet, à partir d’un état SUP, les prix peuvent rapidement s’envoler (en moyenne 300 euros), encore plus si la date est davantage recherchée. La difficulté de trouver de très bons états pour le 5000 francs Empire français s’explique par la taille du billet. Relativement grand, les coins sont plus facilement susceptibles d’être abimés qu’un billet au format plus petit. Pour le faire entrer dans les portes-feuilles, il était généralement aussi plié en deux. Le papier étant assez fin et très craquant, il est sujet à des coupures en marge.

Mis à part les exemplaires émis par la Banque de France certains types – ou devrions-nous dire, raretés – existent dans des collections privées. C’est notamment le cas des exemplaires « Spécimen. » Un seul type est répertorié. Numéroté et daté uniquement d’une suite de zéros, le mot « spécimen » apparait à l’avers et au revers par perforation. Les exemplaires sont très rares et les prix élevés avec une cotation de 700 euros pour un exemplaire TTB.

Fil d’attente au guichet de la Banque de France (janvier 1948)
Source : BNF

Quelques collections privées détiennent des épreuves du 5000 francs Empire français. Il s’agit de travaux préparatoires d’époque permettant de réaliser des essais de couleurs, d’impressions ou de motifs, avant la version finale du billet.

Par exemple, une épreuve avers-revers non signée, ni datée, ni numérotée et sans filigrane existe. La valeur faciale en chiffre ne figure qu’au revers. Les motifs de cette épreuve sont identiques à la version définitive du billet.

Exemplaire Spécimen du 5000 francs Empire français
Source : Numiscollection

Plus surprenant cette fois, une épreuve uniface, numérotée et signée, mais avec une valeur faciale de 10000 francs et cinq personnages au centre de l’avers. La date d’émission semble indiquer qu’elle soit l’une des premières imaginées par les dessinateurs et graveurs chargés de sa réalisation. Nous pouvons observer que le placement des personnages représentés est différent de la version définitive.

Contrairement aux exemplaires spécimens et émis, il est plus difficile de donner une estimation précise pour ces deux épreuves car elles ne sont pas référencées dans des ouvrages de cotation et il s’agit d’exemplaires quasi uniques. Toutefois, la demande étant forte et l’offre faible, sa valeur s’établit certainement à plusieurs milliers d’euros.

Exemplaire d’épreuve du 5000 francs Empire français
Source : Numiscollection
Exemplaire d’épreuve uniface du 5000 francs Empire français, libellé en 10000 francs
Source : Numiscollection

Enfin, la vignette du 5000 francs Empire français a influencé au début des années 1950 une épreuve d’un billet de la Banque de France, le 5000 francs Famille française. L’avers représente une famille bretonne dans la même disposition que celui du 5000 francs Empire français. Epreuve uniface, le verso aurait dû représenter une famille de mineurs.

Exemplaire d’épreuve uniface du 5000 francs Famille française, 1952
Source : CGB

Le 5000 francs Empire français reste l’un des billets les plus marquant de la Banque de France, émis dans l’hexagone tant par son style et ses motifs uniques que par ses objectifs économiques et politiques. Ainsi, nous comprenons mieux pourquoi, de nos jours, il s’agit d’un des billets français qui plait le plus aux numismates.

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